Tourisme
Enseignements d'un samedi de galère
_______________
Le chassé-croisé des vacanciers le
samedi 27 décembre 2014 restera marqué par un incroyable blocage de l'accès à de
nombreuses stations suite à des chutes de neige, de plus à moins abondantes du
nord au sud des Alpes. 15 000 personnes ont été piégées et ont pour la plupart
été hébergées sommairement dans des locaux réquisitionnés d'urgence, voire ont
dormi dans leurs voitures.
______________
Ce samedi noir sur les routes des Alpes
est néanmoins riche d’enseignements, tant structurellement que
conjoncturellement :
-
Le plus grave réside dans l’extrême
vulnérabilité des stations. Ainsi des villes de plusieurs milliers de lits
sont susceptibles de se retrouver inaccessibles pour quelques dizaines de
centimètres de neige. Beaucoup ne disposent que d’une unique route d’accès
qu’un autocar en travers ou quelques voitures ont coupé en moins de deux.
Heureusement, la chance a joué car il n’y a pas eu de cas grave signalé,
mais constater qu’aucune intervention extérieure ou évacuation sanitaire
n’aurait été possible pendant plus de 24 heures dans une agglomération où
résident plusieurs milliers de personnes semble ahurissant. Si on appliquait
aux stations les normes de sécurité prévues pour les refuges de montagne ou
les établissements recevant du public, elles ne pourraient plus accueillir
de mineurs, et même à la limite elles devraient fermer ! Comment ne pas
constater une fois de plus que le développement anarchique des stations
s’est traduit par une fuite en avant immobilière sans les infrastructures de
base indispensables.
-
Beaucoup d’infrastructures
routières et ferroviaires sont inadaptées aux flux de circulation en
conditions difficiles. Certes, on ne peut pas calibrer les infrastructures
sur les extrêmes, mais s’attaquer aux points noirs récurrents et bien connus
permettraient déjà un net progrès.
-
L’écart est immense entre la
communication touristique des stations et la réalité du terrain, entre le
langage commercial et le langage administratif, entre les stratégies de
développement et les infrastructures, entre les exigences des touristes et
les prestations, etc. D'un côté, « tout le monde, il est beau, il est
gentil » et « y'a qu'à, faut qu'on », de l'autre, la dure réalité en
fonction des volontés et surtout des moyens.
-
Le défaut d’équipements des
véhicules circulant sur des routes de montagne apparaît comme la principale
cause des difficultés rencontrées. Il n’y a guère qu’une seule solution :
les rendre OBLIGATOIRES avec sanction dissuasive en cas de défaut. On ne va
pas tourner autour du pot indéfiniment : venir en montagne sans au moins
chaînes ou chaussettes est irresponsable. En hiver, on y vient justement
pour la neige, malheureusement la nature est ainsi faite qu’elle ne tombe
pas que sur les pistes mais aussi sur les routes. On s’équipe bien pour les
pistes, eh bien on s’équipe aussi pour les routes. 90 € d’amende pour défaut
d’équipement, comme proposé par notre député, serait autrement plus efficace
que des recommandations inaudibles.
-
Le laisser-faire et la passivité
des autorités devant les comportements des conducteurs et les absences
d’équipements ont pesé au moins aussi lourd, sinon plus pour aboutir aux
blocages des routes. Les interdictions de circuler une fois les routes
bloquées n’ont fait que traduire le désarroi d’autorités préfectorales déjà
dépassées par les événements.
Autrement dit, ce samedi de galère n’a
fait que rappeler que le développement du tourisme hivernal dans les Alpes ne
s’est pas accompagné de toutes les infrastructures nécessaires et d’une
gouvernance opérationnelle efficace.
Pire, il apparaît que le ministre de
l'Intérieur en n'étant pas favorable à l'obligation des équipements spéciaux en
hiver n'a rien compris à la situation. On a quand même vu ses représentants
locaux incapables de maintenir la continuité des services de sécurité dans des
stations regroupant plusieurs milliers de personnes. Si ce n'est pas pour la
circulation, que ce soit au moins pour la sécurité publique.
______________
Concernant le seul département des
Hautes-Alpes, le bilan est du même tonneau. Pourtant, il a été concerné par des
chutes de neige moins abondantes. Il est de bon ton de dire que le département
souffre d’un complexe, plus ou moins fondé, d’infériorité chronique par rapport
à la Savoie. Il avait là une belle opportunité de s’en démarquer en fournissant
un meilleur accueil et un meilleur service aux touristes. Il s’est vautré de la
même façon concernant les conditions de circulation sur les routes et a même
rajouté une bonne dose d’incurie en étant incapable de faire circuler les trains
jusqu’à Briançon (1).
Concernant les routes, tout le monde
connaît et se plaint de l’état déplorable de la route Napoléon entre Vizille et
Gap avec plusieurs points noirs bien connus. Concernant le ferroviaire, on ne
s’inquiète plus si on va arriver en retard ou pas, mais plus prosaïquement si on
va arriver tout court : trains en panne, trains supprimés sans préavis, gares
fermées, cheminots en grève, tout le monde s’y met pour couler la ligne. Il fut
un temps où on parlait de liaison sous le Montgenèvre, aujourd’hui on est bien
content quand un train circule jusqu'à Briançon, alors les horaires…
Le département se plaint d’une moindre
fréquentation touristique. Paraîtrait même qu’il se cherche une « tour Eiffel »
pour attirer plus de touristes et qu’il pourrait utiliser la difficulté à y
venir comme un atout, du genre : « plus galère que dans les Hautes-Alpes, tu
meurs ! » Raté pour ce dernier atout, la Savoie, encore elle, vient de nous le
piquer ! Plus sérieusement, avant de phosphorer sur la communication, illusion
de la réalité,
travaillons plutôt sur les services concrets de base à fournir aux visiteurs et
aux habitants.
Car si le tourisme ne bénéficie pas
in fine aux habitants, on se demande bien à quoi il sert... (2)
_______________
Par contre, le travail des gens de terrain, employés
des routes, gendarmes et autres, des associations, des communes et
des particuliers pour venir en aide à ces
« naufragés de la route » mérite un
grand coup de chapeau.
_______________
Vallouimages
Vallouise, 29 décembre 2014
_______________
Notes :
(1) Que l'on ne vienne pas dire que c'est le fait de la seule
SNCF « qui part en sucette ».
Ça se passe dans les Hautes-Alpes où il existe
un préfet, une sous-préfète, un Conseil général, trois parlementaires, des
maires. Pour les habitants comme pour les voyageurs, ils sont en première
ligne et la SNCF doit répondre à leurs exigences.
(2) Bon, j'dis ça, j'dis rien !