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Et maintenant que fait-on ?

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Les rassemblements et marches à Paris, dans les villes et villages de France, et partout dans le monde ont rassemblé des millions de personnes.

On peut bien sûr voir ces rassemblements par le petit bout de la lorgnette : en repérant et en montant en épingle tout ce qui cloche, notamment sur certaines participations ou tentatives de récupération : ce n’est pas faux mais c’est stérile car on n’est pas plus avancé après qu’avant ; en insistant sur les détails qui divisent plutôt que sur l’essentiel qui devrait réunir : on a vu quelques politiques s’essayer à leurs dépens à cette mascarade ; en regrettant, ou pour certains en « vomissant » sur les nouveaux « amis » de Charlie Hebdo, signe qu’ils n’ont pas compris grand-chose à ce qu’il se passe : il est bien probable que la majorité des presque cinq millions de français dans les rues n’ont jamais lu un numéro de Charlie Hebdo et que beaucoup n’approuvent pas forcément son contenu et ses caricatures, mais ce n’est pas parce que l’on n’approuve pas ce qu’un autre pense, fait ou écrit, qu’on le tue, sinon on s’entretuerait tous en permanence ; en feignant d’ignorer le caractère antisémite des attentats de Montrouge et de Vincennes ; etc. Non, les presque cinq millions de Français qui se sont rassemblés ne se situent pas à ces niveaux subalternes et ont balayé ces tentatives de dénigrement et de division par leur nombre.   

L’ampleur de cette mobilisation nationale et internationale résulte en effet d’un formidable élan populaire qui se situe à un niveau supérieur. Au-delà du soutien à Charlie Hebdo et de la révolte face aux attentats, qui ont servi de déclencheur, elle marque la volonté de la population de défendre la liberté d’expression, la liberté de culte, la liberté de vivre ensemble, dans un état démocratique. Rarement il n’a été autant fait état de la devise de la République « liberté, égalité, fraternité », mais aussi de la laïcité, souvent élevée au même niveau : quatre valeurs fondamentales de la Nation menacées par l’idéologie des terroristes.

Les partis politiques ou syndicats auraient grand tort de vouloir s’approprier cette mobilisation. Ces rassemblements de citoyens de tous bords ont largement dépassé les clivages politiques et ont rendu dérisoires les remarques restrictives indiquées précédemment. Les Français votent de moins en moins, mais ils n’en ont pas moins exprimé hier leur forte implication politique au sens le plus noble du terme. Nos élus et partis politiques seront-ils à la hauteur de la situation et sauront-ils répondre aux attentes multiples de la population ?  Ils se doivent de prendre des décisions fortes pour y répondre. Ils n’ont pas intérêt à tergiverser ou à s’engluer dans des débats secondaires ou des polémiques stériles, il leur faut aller à l’essentiel.

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Plusieurs domaines d’actions apparaissent incontournables, sans oublier que le développement économique est une condition indispensable du progrès social pour des gens qui aujourd’hui n’ont d’autres perspectives d’avenir que des trafics en tout genre ou la dérive islamique :

Renforcer la sécurité.
Un réseau dormant n’a pas été détecté, d’autres existent peut-être encore. Il y a donc eu des failles à combler d’urgence.

Les actions doivent être ciblées sur les causes. Inutile de taper tous azimuts, les terroristes qui ont agi en France sont originaires de France et ont été recrutés en France, c'est cela qu'il faut cibler. Par ailleurs il va falloir traiter les cas des milliers de Français qui sont partie combattre en Syrie ou ailleurs, qui circulent apparemment sans grande difficulté et qui tôt ou tard vont vouloir revenir ou sont déjà revenus.

Le contrôle à nouveau des quartiers abandonnés où les trafics en tous genres prolifèrent est une autre priorité sous peine de voir leur nombre augmenter.

Mais si l’aspect sécuritaire est important à court terme, il ne peut pas constituer une réponse suffisante à long terme.

Lutter contre l’obscurantisme et transmettre la culture.
Il faut impérativement reprendre la main au niveau de l’éducation à travers un grand projet intégrant aussi bien l'enseignement des fondamentaux, dont le civisme, que la transmission de la culture nationale et européenne (1). Nous avons sacrifié une génération par faiblesse et par souci d’économie, en lâchant sur l’école et sur la formation des maîtres (qu’on se rappelle la suppression des IUFM, réalisée par les uns et entérinée par les autres). Pour cette génération, c’est foutu, mais pas encore pour la génération suivante, mais il faut faire vite car elle est déjà à l’école en ce moment. C’est la priorité absolue pour espérer supprimer les causes à long terme, et ça ne fera pas de mal d’ailleurs au reste de la population de mieux connaître la culture de son pays. Celle-ci n’est pas seulement un ensemble figé à un moment donné, c’est un ensemble dynamique qui se construit sur lui-même au fil du temps en se nourrissant des apports des uns et des autres : c’est le liant caractéristique sur lequel se fonde la vie commune et dont la transmission est une condition d’intégration et de prévention des dérives.

·     Adopter une politique internationale cohérente.
La lutte contre le terrorisme à l’intérieur ne peut plus s’accompagner de ‘complaisance’ avec les pays qui le financent ou de soutien à des groupes susceptibles de tourner casaque. Il paraît que certains de ces pays étaient représentés à Paris, l’occasion sans doute de les rappeler à leurs responsabilités. Devoir lutter, par exemple au Mali, contre des hommes équipés des armes que l’on a fournies aux rebelles libyens est consternant. La responsabilité de nos gouvernants est également engagée à travers le financement du terrorisme par les rançons payées pour la libération d’otages. Pourquoi pas, mais est-elle assumée ?

Créer un sursaut civique sur les valeurs.
Beaucoup ayant défilé pour rappeler leur attachement aux quatre valeurs fondamentales que sont la liberté, l’égalité, la fraternité et la laïcité (qui rejoint ici les trois valeurs de la devise), le gouvernement se doit d’y répondre par des actions d'autant plus fortes qu'elles sont menacées :

La liberté d’expression sort plutôt renforcée de cette période. La liberté de conscience et la liberté d’exercice des cultes sont acquises au moins pour les cultes chrétiens et juifs, mais reste plus incertaine pour le culte musulman, au vu des difficultés rencontrées pour l’implantation de mosquées. Comment ne pas voir que renvoyer ce culte à des salles de fond de cours favorise l’influence d’imans autoproclamés venant dont on ne sait où. Il va bien falloir avoir le courage d’aider les musulmans à exercer leur culte, charge à leurs autorités de former et contrôler leurs imans et de s’affranchir de toute tutelle étrangère.
Il va aussi falloir être plus ferme vis-à-vis de la libération de la femme de confession musulmane – condition indispensable à l’égalité homme-femme –, et de toutes les contraintes culturelles qui s’y opposent.

L’égalité devant la loi et l’égalité des droits pour les français d’origine étrangère, dont ceux de confession musulmane, méritent d’être réaffirmées et des instructions doivent être données en ce sens, car on est trop souvent témoins de différence de traitement au faciès ou à la consonance du nom. Qui n’a pas constaté le tutoiement pour certains et pas pour d’autres ? Surtout, le principe d’égalité exige une lutte sans concession contre toute forme de racisme ou discrimination quel qu’en soit le prétexte (faciès, religion, sexe, richesse ou pauvreté, etc.). Il vient par exemple d’être mis à mal à plusieurs reprises avec des commentaires d'hommes politiques ou des arrêtés anti-pauvres ou anti-SDF.
Faut-il ajouter que concernant l’égalité, les français sont de plus en plus critiques vis-à-vis des politiques contre les différences de traitement ou d’efforts demandés selon que l’on est riche et puissant ou non (certains rajouteront, élus ou non) ? Tout le monde a bien noté que la crise a eu ce résultat pervers que les riches sont de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres et de plus en plus nombreux. Une fracture sociétale est en train de se créer à ce niveau dont les conséquences politiques sont à venir.

En résumé, le principe d’égalité est le plus mis à mal à l’heure actuelle et devrait pousser les politiques à prendre des mesures fortes, y compris à leurs détriments. En auront-ils le courage ?

La fraternité est l’aboutissement du vivre ensemble entre individus libres et égaux, le ciment de la devise en quelque sorte. Les rassemblements et marches ont été un grand moment de cette fraternité souhaitée par les participants. Elle commence par la reconnaissance et le respect de l’autre. C’est bien sûr l’affaire de chacun, mais les politiques doivent en faciliter, voire en imposer les conditions, telles que la lutte contre les discriminations de toutes sortes, le maintien des réseaux de travailleurs sociaux souvent démantelés, la continuité du subventionnement des associations à but social. Les élus locaux sont aussi en première ligne dans ce domaine. Malheureusement, cette valeur fondamentale de fraternité se retrouve très affaiblie dans notre société et même en danger, à voir certaines déclarations d’hommes politiques concernant la protection sociale des plus démunis. Un sursaut est nécessaire, car le principe de fraternité se vide de son sens, et d’autant plus si le principe d’égalité n’est plus lui-même assuré.

Ou alors c’est carrément un changement de constitution qui s’imposerait si le principe constitutionnel actuel de fraternité n’était plus adapté et si la république devait abandonner sa dimension sociale.

La laïcité complète ici les trois valeurs de la devise, même si dans la Constitution elle est d'ordre supérieur. Le principe de laïcité exprime la neutralité de l’État vis-à-vis des religions et a été complété par l’interdiction dans les établissements scolaires de « signes et tenues dont le port conduit à se faire immédiatement reconnaître par son appartenance religieuse tels que le voile islamique, quel que soit le nom qu'on lui donne, la kippa ou une croix de dimension manifestement excessive ». Plusieurs cas récents montrent un affaiblissement de ces interdictions qui nécessitent une réaction en sens inverse au niveau gouvernemental.

Un autre principe constitutionnel commence à être mis à mal dans la bouche de quelques hommes politiques et commentateurs. Plusieurs ont en effet parlé de « communauté musulmane », souvent pour lui demander de se structurer et de réagir. Ce langage est très grave et ce serait une grande victoire posthume pour les terroristes de voir reconnue la notion de « communauté » pour les citoyens de confession musulmane. Faut-il rappeler que la République réunit des citoyens et non des communautés ? Les citoyens qui ont défilé en excluant toute notion d’organisations ou de communautés s’inscrivent en faux contre cette approche communautariste de la République. Espérons que ce ne sont que des simplifications de langage, mais tout de même lourdes de sens.

On le voit, un choc est nécessaire sur les fondements même de la République, qu'il s'agisse de ses caractères indivisible, laïc et social ou de ses valeurs fondatrices. Les Français descendus dans la rue l'ont rappelé avec force.

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L'attente est grande au niveau de la population. Cinq millions de personnes qui se rassemblent autour de la défense de valeurs démocratiques et contre l'obscurantisme, et encore plus qui ont suivi le déroulement des manifestations à distance, c'est un événement historique important. C'est une nation qui s'exprime. Le Président, le gouvernement, les parlementaires de tous bords doivent répondre à ses demandes.

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Vallouimages

Vallouise, 12 janvier 2015

 

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Notes :

(1) « La culture, dans son sens le plus large, est considérée comme l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l'être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. »

 

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