Vallouise  Magazine

Informations et Renseignements sur la Vallouise et le Pays des Écrins

 

Carte du massif et itinéraire des premiers ascensionnistes.

Carte du massif

et itinéraire suivi

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La Bérarde en 1860.

La Bérarde en 1860

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Glacier de Bonne Pierre et face ouest des Ecrins

Glacier de Bonne Pierre

 et face ouest des Écrins

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De l'art au sommet de la Barre - Envol

« Envol »

au sommet des Écrins

Photo Compagnie des

guides de l'Oisans-Écrins

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Barre des Écrins

150e anniversaire de sa première ascension

Barre des Écrins : 150e anniversaire de la première ascension

Le 25 juin 1864, les anglais Edward Whymper, Adolphus Moore et Horace Walker, avec les guides Michel Croz de Chamonix et Chistian Almer de Grindelwald réalisaient la première ascension d'un sommet alors nommé Pointe des Écrins ou des Arsines et qui deviendra très vite la Barre des Écrins.

Ce 150e anniversaire va être fêté durant tout l'été dans les Écrins et en particulier en Vallouise.

La première ascension a été reconstituée le 25 juin 2014 par le même itinéraire et dignement fêtée le soir du 25 à Vallouise.

Une sculpture temporaire « Envol », réalisée par Christian Burger (1) a été montée et installée au sommet de la Barre lors de l'ascension commémorative, dans le cadre du projet « De l'art au sommet de la Barre ».

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Récit de la première ascension de la Barre des Écrins2

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Le 22 juin 1864, les anglais Edward Whymper, Adolphus Moore et Horace Walker, et les guides Michel Croz de Chamonix et Christian Almer de Grindelwald, partis des chalets de la Saussaz la Sausse ») dans la vallée de l’Arvan, rejoignent la Grave par le Col de Martignare, non sans avoir fait au passage l’ascension de l’Aiguille Occidentale de la Saussaz (3340 m), qu’ils nommèrent : « à défaut d’autres noms, nous donnâmes le nom d’Aiguilles de la Sausse. » Leur auberge à la Grave « était une espèce de petit caravansérail à peine bâti, à demi écroulé, où rien n’est solide et garanti si ce n’est la mauvaise odeur », mais Whymper, un peu faux-cul, attribua cette « remarque spirituelle » à Moore.

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Le 23 juin 1864. Dur réveil ce matin à 1 heure (3) du matin avec du brouillard sur les pentes et de lourds nuages peu engageants. Mais une trouée soudaine dans les nuages laissant passer la lumière de la lune précipita le lever et les préparatifs de départ retardés par les chaussures de Whymper qui refusaient obstinément d’être chaussées. La fine équipe quitta finalement la Grave à 2 h 40 sous un ciel presque entièrement clair. Laissant vite derrière eux les chalets de Chal Vachère, où ils avaient pensé initialement passer la nuit, les touristes et leurs guides rejoignirent la moraine du Glacier de la Brèche par un itinéraire de plus en plus vague et pénible vers 4 heures. Impressionnés par l’ampleur de la chute de glace qui offrait peu de possibilités de passage, ils optèrent pour la moraine qui les conduisit jusqu’à une pente de neige d’avalanche qu’ils remontèrent en zigzags serrés jusqu’aux rochers qu’ils atteignirent à 4 h 55, montre en main. Après un bref parcours dans les rochers, à 5 h 10, toujours l’œil sur la montre, ils étaient prêts pour la bagarre et pour en finir avec leur ennemi. Ce qui leur avait paru inaccessible de la Grave se révéla un parcours plaisant dans les rochers et la neige et à 6 h 20 ils atteignirent la partie supérieure du glacier sans avoir rencontré de difficulté particulière. Pressés d’en traverser le plateau supérieur avant que le soleil ne ramollisse trop la neige, ils filèrent vite en direction de la brèche en profitant des « admirables » conditions de neige. Petite pause casse-croûte à 7 h 15 qui indisposa momentanément Walker dès la première bouchée. À 7 h 45, ils reprirent leur marche en avant au milieu des crevasses et eurent vite pour la première fois le col en point de mire. Le soleil qui les avait rejoints depuis quelques temps était brûlant mais bien vite ils se retrouvèrent dans l’ombre du grand mur de la Meije et ils atteignirent la rimaye à 8 h 30. C’était le dernier obstacle avant le mur de glace final recouvert de neige. La neige recouvrait encore la rimaye et sa traversée ne présenta aucune difficulté. Le mur final, mesuré à 48°, en bonne neige fut vite avalé et à 8 h 50 la Brèche de la Meije fut atteinte. Whymper qui avait parié deux francs qu’ils mettraient plus de 13 heures dut payer ‘cash’ Moore et Walker. Un petit vent froid abrégea leur tour d’horizon et ils attaquèrent la descente vers la Bérarde à 9 h 50, toujours la montre sous les yeux, qu’ils rejoignirent à 4 h 55.

Là, une question importante se posait à nos alpinistes : par où rejoindre le pied de la face nord des Écrins ? L’intention initiale était de passer par le Col de la Temple et de rejoindre le gîte que Tuckett avait découvert deux ans plus tôt, mais Whymper voulait passer plus près en remontant le Glacier du Vallon pour rejoindre directement la branche nord du Glacier Noir. Comme personne ne savait si ça passait, l’équipe se rangea finalement sagement à la proposition de
Croz d’aller bivouaquer le lendemain au Col des Écrins.

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Le 24 juin 1864. Avec la sage décision de rejoindre les Écrins par le Col des Écrins, plus rien ne pressait pour le lever et le départ, d’autant plus que Whymper et Walker ne pouvaient partir sans leurs cigares dont le transport avait été très imprudemment confié à un quidam devant faire le portage des bagages de la Grave à la Bérarde par Vénosc et Saint-Christophe. Celui-ci, du nom d’Alexandre Pic, ayant dû parier sur l’échec du passage de la Brèche, était parti à retardement et ne se pointa à la Bérarde qu’à 5 heures du matin, expliquant qu’il avait été tellement malade qu’il s’était évanoui. En plus les deux tiers des cigares avaient disparu. Normal, puisque des brigands l’avaient attaqué, dépouillé et laissé évanoui sur la route. Ce monsieur n’avait décidément pas de chance à s’évanouir ainsi, il a finalement eu bien du mérite à arriver à la Bérarde ! Confondu par Walker, il fut promptement congédié et remplacé comme porteur par Rodier. Celui-ci conseilla avec insistance de renoncer au col pour éviter un bivouac dans la neige et surtout pour ne pas avoir à remonter le couloir enneigé du col en pleine après-midi. Ainsi fut décidé de bivouaquer sur le haut du Glacier de Bonne Pierre que les ascensionnistes rejoignirent dans le brouillard en fin d’après-midi. Celui-ci finit pas se lever dévoilant un magnifique coucher de soleil sur la fac ouest des Écrins qui impressionna fort nos héros.

Mais observons discrètement tout ce beau monde qui s’active pour trouver la meilleure place au milieu de rochers hospitaliers :

Moore et Walker vont de leur côté et s’aménagent « une petite auberge » pour deux au milieu de rochers probablement tombés ensemble et offrant une protection contre le vent. Ils ont bien avancé dans l’aménagement du sol lorsque qu’une petite trouée dans le brouillard permet aux guides de voir un meilleur emplacement à bonne distance qu’ils gagnent aussitôt, forçant nos deux acolytes à ramasser leurs affaires et à les rejoindre. Mais l’endroit est une misère et, jouant les difficiles, ils parcourent les rochers un bon moment à la recherche d’un meilleur emplacement qu’ils finissent par trouver. Moins bien que le premier, requérant plus d’aménagements et finalement moins satisfaisant. Et c’est parti pour une nouvelle opération de construction.

Pendant tout ce temps Whymper s’est construit un « charmant gîte » pour lui tout seul, entouré d’un mur de pierres et à proximité du reste du campement. Ayant allumé un feu, il s’active déjà à la préparation de la soupe. Et c’est ainsi qu’on les voit tous les trois essayer de diriger à grands coups de chapeau les flammes au milieu et la fumée dans les yeux des autres.

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Le 25 juin 1864. La nuit fut calme seulement entrecoupée par le vacarme d'une énorme avalanche sur les pentes des Écrins que le dernier quartier de lune permettait de distinguer, mais de plus en plus froide. À 3 heures du matin, Almer imita joliment le chant du coq et tout le monde se retrouva vite autour d'un vin chaud. Tous avaient peu dormi et étaient frigorifiés. Pourtant les guides avaient l'habitude de se sacrifier pour le confort de leurs « employeurs » en leur laissant toutes les couvertures. On comprend à demi-mot que les guides se réchauffaient en consommant du vin chaud (4). Celui-ci leur tint d'ailleurs lieu de breuvage à tous pour le petit déjeuner.

Tout ce dont les ascensionnistes n'avaient plus besoin fut confié à Rodier pour être redescendu et le bois résiduel laissé sur les lieux pour les éventuels successeurs. À 3 h 55, déjà montre en main, la troupe s'ébranla sous la conduite de Croz. Le ciel était sans nuage, l'atmosphère parfaite, bref les conditions ne pouvaient pas être plus favorables. Très vite ils furent sur le glacier et rejoignirent le bas du couloir du Col des Écrins que Croz avait déjà descendu avec Tuckett deux ans plus tôt. Le couloir était en neige dure, entre 52 et 54° mesurés, et à grands coups de marches taillés, ils atteignirent le col à 5 h 55 et débouchèrent sur le beau névé du Glacier de l'Encula. Encouragés par le côté débonnaire de ce versant comparé au versant « impraticable » qu'ils venaient d'escalader, et sans tenir compte des réserves de leurs prédécesseurs, ils se donnèrent quatre heures pour le sommet et deux heures additionnelles pour le retour au col. À 6 h 25 (décidément, ils ne connaissaient pas les demi-heures !), toujours derrière Croz, ils attaquèrent la remontée de la pente raide du névé en tirant à gauche.

Malgré une progression hachée par de fréquentes haltes pour respirer, ils montèrent rapidement et Moore se hasarda même à dire qu'ils seraient au sommet à 9 h 30 au plus tard. Whymper, probablement encouragé par son pari perdu à la Brèche paria deux francs avec Moore et Walker qu'il n'en serait rien. Au fur et à mesure qu'ils approchaient de la rimaye, ils pouvaient en mesurer l'ampleur tout le long de la pente finale et la difficulté de franchissement. Ils l'atteignirent à l'aplomb du point culminant, là où elle était la plus infranchissable. Ils optèrent pour un franchissement par l'extrême gauche en réalisant que la progression pourrait bien ne pas être aussi facile et rapide que pariée dans une neige moins abondante rendant nécessaire l'usage de la hache. Mais à 8 h 10, soit en une heure et quarante minutes depuis le Col, ils avaient contourné la rimaye et se trouvaient au-dessus sur une marche de glace qui promettait d'être la première d'une longue série. Ils longèrent la lèvre supérieure de la rimaye et Croz, relayé par Almer réalisèrent un fantastique et long numéro de taillage de marches. Les difficultés étaient grandes, l'exposition importante et les hommes inquiets et sous tension. Enfin à 12 h 30 d'une bataille acharnée, ils atteignirent la crête un peu à gauche du point culminant. La tension durant les dernières quatre heures et demi avait été si intense qu'ils en avaient oublié de manger et, de fait, n'avaient pas ressenti la faim. Maintenant ils pouvaient se rattraper en vue du sommet. Ils repartirent à 12 h 50 et à 1 h 25 se dressèrent enfin sur le sommet des Écrins « digne monarque des Alpes du Dauphiné ».

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Notes :

(1) Christian Burger est un artiste local de la vallée de Freissinières qui a notamment réalisé la statue de Whymper à l'Argentière et les statues à l'intérieur de l'igloo lors de l'opération Pelvoo-Igloo 2014.

(2) Récit rédigé au jour le jour à partir des récits des auteurs cités en références.

(3) L'heure solaire correspond en simplifiant à peu près à notre heure d'été moins deux heures. En effet, en 1864, le Temps Moyen de Greenwich n'était pas encore une référence universellement reconnue. Les heures d'été et d'hiver, de même que les fuseaux horaires n'existaient pas. Le seul temps en usage était le temps local, défini à peu près dans chaque arrondissement, en fonction de la longitude.

(4) Whymper parle ici du curieux phénomène d'évaporation du vin que Moore ne reprend pas. Au contraire, il loue l'abnégation des guides et des porteurs pour le confort des touristes. Pourtant son humour très british n'aurait pas manqué de l'exploiter comme pour la disparition des cigares. En fait, l'un ne prête pas beaucoup d'attention aux autres, tandis que Moore est sensible à la sollicitude de leurs guides et peut-être les ménage-t-il aussi.

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Références :

Moore A.W. - The Alps in 1864.

Whymper E.W. - Escalade dans les Alpes et Scrambles amongst the Alpes.

 

 

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