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Les assises du tourisme en juin 2014 avaient été organisées en réaction à la baisse de fréquentation de 10 % en 10 ans. Il en était ressorti une stratégie et une nouvelle organisation, l'Agence départementale de développement Économique et touristique des Hautes-Alpes (ADDET 05) créée le 1er janvier dernier, qui a remplacé le Comité départemental du tourisme (CDT 05), Hautes-Alpes développement (HAD) et les services de l’agriculture, du tourisme et de l’économie de feu le conseil général. Une mutualisation des moyens pour un seul et unique objectif : renforcer l’attractivité des Hautes-Alpes.

Yvan Chaix, le directeur de l'ADDET, a présenté sa raison d'être dans une interview référence à Dici.fr. En voici les grandes lignes :

L'ADDET (1) vise la mise en valeur de l'économie départementale dans toutes ses dimensions : une seule structure pour piloter toutes les activités économiques dans une approche globale. Il s'agit de créer une gouvernance économique qui associe tous les opérateurs publics et privés, de travailler sur l'attractivité du territoire et de structurer les filières qui font la richesse et la particularité du département. Six filières stratégiques, mais non exclusives, ont été identifiées : l'agroalimentaire et l'agriculture ; l'aéronautique ; le bâtiment ; le numérique ; le tourisme ; les énergies et les éco-activités. Six filières qui sont porteuses de valeur ajoutée et en capacité de différencier le département des H-A d'autres territoires au positionnement proche, et qui présentent des marges de progression importantes.

Sur le plan touristique, il refuse à juste titre de se laisser entrainer dans une démarche s'appuyant sur un logo et une charte graphique, en soulignant méchamment que « c'est de la littérature » (2, 3). Laissant de côté une communication sur une marque « Hautes-Alpes » et considérant que peu de stations sont vraiment connues, il prône au contraire de s'appuyer sur les sites touristiques de grande notoriété, type Serre Chevalier, Serre Ponçon, le Parc naturel régional des Baronnies, le Pré de Madame Carle (4). Ce choix obéit à une logique qui se comprend et peut se justifier, mais il faut tout de suite en souligner les limites. (i) Insister sur l'attractivité de quelques sites majeurs ne fera pas nécessairement l'affaire des sites mineurs, qui sont les plus nombreux et qui souffrent le plus : mettre en avant Serre Chevalier n'amènera personne à Puy-Saint-Vincent, aux Orres ou à Orcières. (ii) Tous ces sites ne s'inscrivent pas dans une même démarche : des sites comme le Pré de Madame Carle ou la vallée de la Clarée sont dans une démarche de confortement de l'accueil, voire dans une gestion des flux, à l'extrême dans une démarche de limitation de leur fréquentation ; seul Serre Ponçon peut véritablement se situer dans une démarche de développement, à condition de ne pas faire n'importe quoi d'un point de vue environnemental. Malgré la baisse de fréquentation, plusieurs sites majeurs sont surfréquentés au détriment des sites mineurs trop délaissés et qui au contraire constituent des opportunités de diversification. Il ne faut pas oublier le « tourisme des interstices, autrement dit comment appréhender une destination par ses creux, ses petits lieux, ses déliés et ses angles morts plutôt que par ses pleins et ses hauts lieux » (5). La complémentarité des deux approches, « hauts lieux » et « petits lieux », devrait au contraire être développée, l'attractivité étant peut-être plus à développer au niveau des « petits lieux » que des « hauts lieux ».

Cette complémentarité peut en partie être abordée par la démarche Myhautesalpes (6), qui veut faire des Hauts-Alpins des « ambassadeurs des Hautes-Alpes » et sur laquelle Yvan Chaix compte beaucoup.

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Nonobstant cette stratégie en cours de déploiement, les nuages noirs ont continué à s'accumuler dans le ciel touristique haut-alpin.

Un événement conjoncturel, la coupure du Grand Tunnel du Chambon, a frappé durement le nord du département. Outre la gêne considérable pour les habitants et pour  les activités économiques durant la fermeture de la route (de fin avril au 20 juillet, pour l'instant (7)) le risque d'accoutumance à la fermeture pourrait impacter les projets et les réservations des touristes bien au-delà.

La saison d'hiver qui vient de s'achever a été difficile. Comme le dit bien Yvan Chaix, « elle laissera des traces », car plusieurs petites et moyennes stations ont particulièrement souffert. Le recul du nombre des journées-skieurs est en moyenne de 9 % par rapport à la moyenne des quatre derniers exercices (8) dans les Alpes du Sud, qui ont encore perdu des parts de marché, à l'étranger comme en PACA. Même durant les vacances de l'Académie de Marseille, les stations n'ont pas fait le plein.

Il y a des causes conjoncturelles liées à la météo et à la contre-publicité des avalanches mortelles, mais Yvan Chaix ne se retranche pas derrière : « Il y a 15 ans on avait un problème d'offre, aujourd'hui on a un problème de demande. Un touriste sur dix est étranger, c'est insuffisant. On a même eu des difficultés à attirer des clients du grand Sud-Est. » Et de revenir sur le problème de promotion, de communication et de commercialisation, avec la nécessité de capitaliser sur les grandes marques et de valoriser les grands événements sportifs et culturels. Et de compter sur les Hauts-Alpins pour se faire les ambassadeurs de leur département : « Le Haut-Alpin est complexé et sévère avec lui-même. Entre nous, il faut que nous soyons lucides sur ce qui ne va pas, mais à l'extérieur il faut donner à voir le meilleur des Hautes-Alpes. » (9)

Cette opération Myhautesalpes devrait en premier lieu concerner tous les opérateurs touristiques et au-delà tous ceux qui vivent directement ou indirectement du tourisme. Elle devrait donc, du moins on peut l'espérer, connaître un beau succès auprès des personnes concernées, mais elle pourrait vite se heurter à la défiance de beaucoup vis-à-vis des « doryphores » (10), ces empêcheurs de vivre tranquille et ces ignorants des choses de la montagne, dont seule la carte de crédit compte. Car, si la promotion, la communication ou la commercialisation sont importantes, l'absence de volonté et de conscience collectives d'être une destination touristique, et une ahurissante méconnaissance de la dépendance au tourisme sont essentielles et conditionnent la qualité de l'accueil global.

Et au fait, à quoi bon travailler sur tous ces points, si c'est toujours la galère pour venir dans les Hautes-Alpes et en repartir (11), que ce soit par la route ou le rail. Peaufiner les détails ne sert à rien si le premier service de base, l'accès, n'est pas assuré, et si le second, l'accueil, laisse à désirer. Accès et accueil restent les deux priorités incontournables, loin devant la promotion, la communication et la commercialisation.

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L'ADDET suscite beaucoup d'espoir et aussi des attentes fortes. La stratégie, pour ce qui lui incombe, va dans le bon sens et les débuts sont prometteurs. La volonté d'une approche commune de tous les opérateurs publics et privés semble bien partie, elle sera de toute façon déterminante pour l'atteinte des objectifs. Vendre la destination à l'extérieur est important, mais la vendre aussi à l'intérieur, auprès des habitants et des administrations, l'est tout autant pour qu'ils en deviennent des ambassadeurs.

Il n'est pas inutile de se répéter : « Avant de phosphorer sur la communication, illusion de la réalité, travaillons plutôt sur les services concrets de base à fournir aux visiteurs et aux habitants.  Car si le tourisme ne bénéficie pas in fine aux habitants, on se demande bien à quoi il sert...(12) »

L'ADDET et son directeur vont donc devoir vite aller au-delà de la communication actuelle, bien structurée mais un peu convenue, pour aborder le dur. Et le dur, ce n'est pas la promotion, la communication ou la commercialisation, ou pas seulement, mais c'est ce qui est fait concrètement sur le terrain pour l'accès (13) et l'accueil (14), deux exigences implicites majeures des touristes.

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Vallouimages

Vallouise, 9 mai 2015

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Notes :

(1) Évidemment, tout jeu de mot avec « la dette » est rigoureusement proscrit, même si personne ne s'en prive !

(2) On comprend bien que l'emploi de ce terme est ici dévalorisant. Espérons qu'il n'est lié qu'à la nature de l'interview.

(3) Par contre, tout à fait d'accord sur le fond, les expériences passées s'étant révélées calamiteuses et contreproductives qu'il s'agisse des slogans ridicules ou des tourtons congelés, mais on verra (6) que la « littérature » réapparaît avec le slogan Myhautesalpes.

(4) Bizarrement, la vallée de la Clarée, pourtant classée 'Grand site' est peu citée, de même que le Parc national des Écrins ou le Parc naturel régional du Queyras.

(5) Philippe Bourdeau.

(6) Évidemment, la communication touristique, en mal d'innovation, ne peut s'empêcher de se prendre les pieds dans le tapis de la manie des anglicismes. Meshautesalpes n'aurait pas eu moins d'allure, tous les Hauts-Alpins s'y seraient reconnus et un slogan en français [eh oui, un slogan a beau être de la « littérature », on n'y échappe pas !] aurait permis de se démarquer de la communication passe-partout dominante.

(7) Échéancier communiqué sous toutes réserves, et valant déjà des demandes de démission aux élus qui s'y réfèrent .

(8) -7 %, par rapport au seul exercice précédent.

(9) Yvan Chaix à l'assemblée générale de l'Union pour l'entreprise des Hautes-Alpes (UPE 05). L'e-média 05.

(10) Situation vécue dans un commerce vallouisien, une première semaine de septembre : « Ah maintenant que les doryphores sont partis, on va pouvoir ressortir ! » 

(11) Dans l'article « Enseignement d'un samedi de galère », j'écrivais : « L’écart est immense entre la communication touristique des stations et la réalité du terrain, entre le langage commercial et le langage administratif, entre les stratégies de développement et les infrastructures, entre les exigences des touristes et les prestations, etc. D'un côté, « tout le monde, il est beau, il est gentil » et « y'a qu'à, faut qu'on », de l'autre, la dure réalité en fonction des volontés et surtout des moyens. » (7) 

(12) Bon, j'dis ça, j'dis rien !

(13) L'accès au département va plutôt en se détériorant. Il suffit de se rappeler l'état des réseaux ferroviaire, qu'il s'agisse des lignes Gap-Valence, Gap-Grenoble ou Gap-Briançon, et routier, avec en particulier les cols du Lautaret et de Montgenèvre, sans oublier les déviations toujours attendues.

(14) L'accueil ne se limite pas au contact humain. Il inclut aussi toutes les infrastructures. On retrouve à nouveau l'état des moyens de communication, les couvertures internet et téléphonique, l'aménagement des sites, le cadre environnemental, etc. Faut-il aussi rappeler les menaces qui pèsent sur l'hôpital de Briançon ? Ou le choix de ne pas ensevelir entièrement les lignes THT dans des vallées touristiques ?

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Articles connexes :

Enseignement d'un samedi de galère.

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